Nous avons eu la chance de réaliser un long interview de Coline Mattel. L'occasion de connaitre un peu mieux cette fille qui pourrait bien réjouir plus d'une fois le nordique français durant la prochaine décennie.

Coline, à 15 ans, tu fais déjà partie des meilleures spécialistes mondiales de saut à ski mais on aimerait savoir à quel âge tu as démarré et pourquoi avoir choisi cette discipline ?

J'ai commencé le saut a ski a l'âge de 7 ans, l'été 2003. A l'époque je faisais du ski alpin et lors d'un entrainement physique notre entraineur, Emmanuel Marchand Arvier, le frère de Marie, a décidé de nous emmener au Houches pour essayer le saut à ski sur le tremplin de 30 mètres... Mon premier saut s'est traduit pas une chute mais je suis remonté et ça m'a tout de suite plu, j'ai toujours été très amatrice des sensations fortes et avec le saut c'est pas ce qui manque! Ensuite j'ai continué et comme ça s'est plutôt bien passé, j'ai fini par arrêter complètement le ski alpin puis le ski de fond pour me consacrer a fond dans le saut.

Le fait d’avoir un tremplin pas loin de chez toi a-t-il été décisif dans ton choix ?

Pas vraiment, aux Contamines il n'y a qu'un tremplin de 25 m et un de 45 m praticable seulement l'hiver et un 15 m ainsi qu'un 30 en été, c'est idéal pour commencer mais par la suite quand on saute sur des plus gros tremplins, les plus proches sont à Courchevel... Mais la distance n'a jamais été un problème, on fait des centaines de km pour partir en stage ou en compétition et c'est aussi cet aspect là qui me plais, voyager et partir de chez soi pour quelque temps... Par contre dans ma famille et aux Contamines, le saut a toujours été très prisé et c'est peut être aussi pour ca que j'ai été encouragée et que je m'y suis énormément consacrée.

Depuis tes premiers sauts, comment s’est passé ta progression ?

Je pense que j'ai progressé assez vite, dès le début... J'ai toujours été très motivée et le fait de ne sauter qu'avec des garçons et de ne pouvoir me mesurer qu'a eux (au début) m'a énormément poussée a persévérer. Je n'ai jamais vraiment eu de passages très difficiles, à part l'hiver 2008, lorsque j'ai pris quelques 10 cm en 2 mois (ou presque...) et j'espère que ça continuera comme ça, même si dans ce sport comme les autres, on sait que ça ne peut pas toujours aller au mieux...

Avec quel entraineur tu as travaillé depuis tes débuts ?

J'ai tout de suite été prise en charge par Thierry Revillod, l'entraineur de saut du club des Contamines, c'est lui qui m'a en quelque sorte "dévoilée" puis Pierre Bailly, l'entraineur du comité s'est vite intéréssé à moi et a tout fait pour que je puisse rejoindre l'équipe du comité du Mont Blanc.

Après ces premières années d’entrainement, tu réussis un premier coup d’éclat avec une médaille de bronze aux mondiaux juniors 2009. Quels sont tes souvenirs sur cette journée ?

C'était plutôt inattendu, je n'avais fait que progresser durant toute cette saison mais en arrivant à Strbske Pleso je n'aurai jamais pensé repartir avec une médaille! C'était mes premiers vrais résultats internationaux et j'était super stressé mais au final c'était vraiment formidable!

Douze mois plus tard on te retrouve aux mondiaux (toutes catégories) à Liberec et là tu termines à une magnifique 5e place. Heureuse ou déçue d’avoir raté un podium ?

J'étais forcement un peu déçue au fond de moi, en étant 3eme a la première manche en imagine toujours des choses mais en fin de compte, je n'avais jamais pensé me retrouver là, avec toutes ces "grandes" qui étaient là depuis le début du saut à ski féminin et c'était vraiment super émouvant et j'en grade un souvenir extrêmement fort!  

Tu bouscules maintenant des filles bien plus âgées que toi, comment te regarde-t- elles ? As-tu des relations amicales avec tes adversaires ?

Ben au début j'était un peu mal à l'aise, forcement, elles devaient se dire, "qui c'est cette « Frenchy » de 1m40 qui arrive", et puis peu a peu je me suis intégrée et puis les résultats sont arrivés. Maintenant la différence d'âge n'a plus aucune signification, je me suis fait une place et j'ai vraiment de bonnes relations avec toutes les filles quelque soient leur niveau, leur nationalité ou leur âge. L'ambiance sur les compétitions est vraiment géniale et pour moi c'est super important!

Revenons à la compétition avec les épreuves estivales qui te réussissent très bien. Un succès en FIS Cup et surtout deux podiums en Continental Cup et une place de leader au général . On sent que tu as encore progressé depuis l’hiver ?

Oui c'est vrai que j'ai bien progressé, au niveau technique comme physiquement et aussi mentalement, (au début il m'arrivait de raté un deuxième saut uniquement a cause du stress!)

Un succès au général de la Continental Cup estivale c’est un objectif ?

Non pas vraiment... En arrivant sur les compétitions, j'avais pensé pouvoir faire de bon résultats mais l'idée de remporter la Coupe Continentale ne m'avais même pas traversé l'esprit je dois dire! Mais comme ce n'est pas prévu que nous fassions toutes les compétitions de cet été, pour des raisons financière et scolaire, je pense que ca sera pour plus tard... (ndlr : Depuis cet interview, l’autrichienne Iraschko a profité de l’absence de Coline à Falun pour lui passer devant au général)

Et pour l’hiver qui arrive quels sont tes plans ? Les mondiaux d’Oslo avant tout ?

Il y a deux objectif importants cet hiver: les Championnats du Monde juniors, en Estonie où beaucoup de monde s'attend à ce que je continue sur la lancée des deux années précédentes (3eme puis 2eme) et puis bien sur les Championnat du Monde en Norvège!

Oslo c'est vraiment la "Mecque" du saut à ski et ça va être un rassemblement très important! Au vu des résultats des années précédentes et de cet été, j'ai pour objectif de faire un podium voir de gagner le titre de Championne du Monde, je sais que ça ne va pas être évident, il y a beaucoup de filles qui peuvent prétendre gagner, il va falloir bosser dur et comme on me le dit j'ai encore du temps devant moi pour performer mais c'est vrai que ça serai vraiment exceptionnel!

A plus long terme, comment tu imagines la suite de ta carrière ? Quels sont tes rêves dans et pour cette discipline ?

Pour l'avenir j'aimerai arriver à associer mes études avec la pratique de ce sport à un aussi haut niveau, pour l'instant le saut c'est vraiment toute ma vie et j'espère que j'arriverai à continuer avec...

Pour l'avenir du saut féminin, nous avons encore quelques échelons à gravir... Avec le passage de la Coupe Continentale à la Coupe du Monde, l'hiver 2011/2012, c'est déjà une grande avancée pour l'image du saut féminin, notamment son impact médiatique... Et puis en juin 2011 ça sera la grande révélation, on va enfin savoir si les filles seront acceptées au JO de Sotchi en 2014, et ça, ça serait vraiment un de mes plus beau rêve qui se réaliserait! Pouvoir participer au Jeu Olympique et pourquoi pas espérer repartir avec une médaille, je n'ose même pas y penser...

Et puis, si on peut se permettre de rêver encore, j'aimerai pouvoir penser qu'un jour les filles sauterons au vol à ski…

Photos : www.ladiesskijumping.com