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Une seconde participation aux JO

Né en banlieue parisienne en 1977, région ou le football est roi, Samir Azzimani est en passe de réaliser son rêve : participer pour la deuxième fois aux Jo d’hiver dans deux disciplines différentes. 

Après le ski alpin à Vancouver en 2010, ce sera le ski de fond lors des JO 2018 de PyeongChang.

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Partons à la découverte de ce champion au destin incroyable

"Je m’appelle Samir Azzimani 39 ans, je suis né à Levallois-Perret en région parisienne. Né marocain d’une famille assez modeste, j’ai grandi dans la pauvreté. Nous vivions à Neuilly sur Seine à six dans 20m².

A l’âge de 5 ans et demi on me place dans un foyer social car ma mère ne pouvait pas s’occuper de moi et de mes petits frères en même temps. Ce fut une période à la fois difficile et extraordinaire. C’est à ce moment-là que je découvre les joies de la neige.

Au début je détestais çà : la neige, le froid, les gants en laine...puis j’ai encore plus détesté quand j’ai commencé à devoir porter les skis et marcher avec des chaussures de skis.

Quelques vacances scolaires plus tard, j’arrive à skier et je comprends très vite que ce sport est un bonheur. Quelques années plus tard  la glisse deviendra une drogue. Malheureusement après être rentré dans le cocon familial et avoir déménagé, je ne suis plus retourné au ski.

Dix ans de disette n’empêcheront en rien d’y penser et d’en rêver. Surtout avec les JO d’Albertville !

C’est là que des sportifs comme Franck Piccard, Edgard Grospiron, Corine Niogret, Fabrice Guy, Alberto Tomba, et surtout la délégation marocaine me feront rêver."

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Quel est ton projet ? 

"Disputer le 15km skating (ski de fond) des JO de PyeongChang"

Une double participation aux JO (deux sports différents), c'est une première ?

"En fait, il y a une double première fois. C’est la première fois qu’un Marocain participera aux JO en ski de fond, et ensuite c’est la première fois dans l’histoire des JO qu’un skieur alpin les refera dans une autre discipline."

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D'ou vient cette idée folle?

"C'est un pur hasard et un enchainement d’heureux événements qui m’ont emmené sur cette nouvelle voie sportive. Tout a débuté fin décembre 2012. Je rentrais d’un séjour à Sotchi où j’avais organisé un projet d’échange avec des jeunes marocains et des russes. 

Par la suite je décide d’aller rejoindre l’équipe du centre UCPA de Pralognan où j’ai mes amis. Sur place je cherche un moyen de reprendre les entrainements physiques, puis ceux d’alpin pour essayer de me qualifier pour les jeux de Sotchi 2014.

 Il fallait donc trouver un sport qui me redonnerait la caisse... Au départ j’avais pensé à courir mais mes genoux ayant souffert, je zappe. Je pense au vélo mais l’hiver c’est trop dangereux...

C’est en levant la tête et en voyant des skieurs de fond passer devant moi que l’idée me vient. En effet la piste de ski nordique faisait face au centre UCPA. Alors je me suis dit pourquoi pas."

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"Je pars donc louer mon matériel de ski de fond. En sortant du magasin de location j’avais un peu honte car j’avais l’impression de ne ressembler à rien. Le sacro-saint égocentrisme du skieur alpin me dominait.

Mais après quelques séances je commence à me pousser des challenges. Un tour, puis un autre, puis encore plus loin, plus longtemps.... à la fin j’étais devenu accro et surtout physiquement, ça m’avait vraiment mis la caisse.

Mais à la fin de la saison et après avoir laissé tomber le fond pour me remettre à l’alpin où j’avais fait une perf pour la qualif des jeux, je chope une hernie ombilicale.

Après l’opération ne pouvant ni travailler ni faire du sport et étant sans ressource, je me rends à l’évidence : les JO en alpin c’est fini pour moi, je devais me résoudre à tout lâcher...

Mais là encore une petite voix dans ma tête me souffle l’idée de tenter l’aventure en ski de fond. Le défit me paraissait saugrenu, mais mon coté challenger a fait que, au final, j’ai franchi le pas. Salomon qui m’équipais en ski alpin adhère  à mon projet et décide de m’aider pour cette nouvelle aventure.

L’hiver fini, découvre le ski à roulettes et  je traverse les routes marocaines du nord au sud sur 1700 km en plus de 5 semaines. Mon corps a appris à souffrir, mon mental aussi parce que ma copine de l’époque m’avait lâché en plein désert... 

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Racontes nous ton quotidien de sportif ?

"Denis Boissière, mon coach me donne mes plans d’entrainement que j’essaye de suivre au plus près car forcément lorsque tu travailles à coté, ce n’est pas simple. En général c’est du 1h30 à 2h d’entrainement quotidien, roller ski, course à pieds, vélo…"

Comment c'est déroulée ta dernière course ? (Samir s'est aligné sur plusieurs épreuves en Australie en août avant de terminer son périple dans l'hémisphère sud avec le 10km de Snow Farm, Nouvelle-Zélande)

"La veille j’avais fait un entrainement assez merdique, ça m’avait miné le moral.  Mais heureusement que l’entraineur Américain Matt m’a proposé de farter  mes skis. Ces derniers avaient une glisse exceptionnelle. Du coup ça a été le feu pour moi. Dès le départ je me sentais bien. 

C’est donc à 30 secondes du bip que je m’excite comme un alpin au départ d’un slalom. Je tape mes skis au sol, fait des mouvements de flexion avec de gros souffles...

Parfois les préposés, paniqués par mon attitude me retiennent de peur que je parte avant le bip final. Là, je plante mes bâtons devant la cellule …. Je pousse sur les bâtons…

C’est parti je n’ai pas le droit de me louper !

Le premier tour me dégourdit les jambes bien que j’attaque les bosses à fond.

Sur le deuxième tour je reste toujours seul, personne ne me dépasse. Là j’ai un doute car d’habitude je me fais toujours dépasser...

Mais non, je tiens bon. Le deuxième tour arrive à sa fin et un Australien me dépasse. Je décide donc de l’accrocher...  je tiendrai sur 1 tour avant de lâcher prise.

C’est dans les descentes que je rattrapais le plus de temps, mais le problème était qu’il fallait être toujours attentif pour ne pas finir dans le ravin. 

Le dernier tour est là et j’essaye de tout donner. La dernière côte qui donne sur une bosse raide finit de me broyer les jambes. Mon manque de gainage et ma faible VO2 d’alpin me font aussi souffrir et perdre beaucoup d’énergie.

Mais je repousse mes limites plus que jamais car la qualif est là à bout de bras. J’accélère donc sur les 500 derniers mètres pour finir, … enfin essayer de finir en sprint. A l’arrivée j’en peux plus !

D’ailleurs les autres coureurs aussi sont tous par terre. Moi je tiens encore debout mais difficilement.

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Qu'est ce qui a changé depuis ta participation (qualif pour les JO en poche) à cette épreuve ?

"Depuis ma qualification j’ai été beaucoup sollicité par les médias Marocains, presse et TV. Je sens que mon histoire intéresse les gens en France et aussi au Maroc."

Quel est le sportif que tu aurais aimé rencontrer ?

"Fabrice Guy: déjà fait, Flo Masnada: déjà fait... 

J’aimerai rencontrer Franck Piccard. On se parle pas mal sur Facebook mais on ne s’est encore jamais vu. Il a un énorme palmarès en Alpin et C’est un grand skieur de fond."

As-tu une devise ?

 "Ecouter son cœur et croire en l’avenir "

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Photos : Mathieu Noly / Samir Azzimani

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