Sebastien, dans quelques jours tu va déjà entamer ta 10e saison en coupe du monde. Quel regard portes tu sur cette décennie ?

« 10 années très sympas. Je me rends compte que j’ai la chance de pouvoir vivre des choses exceptionnelles grâce au sport et je profite de chaque moment. Ces 10 ans n’ont pas toujours été faciles avec les blessures et les résultats pas forcément à la hauteur de mes attentes. En fait c’est le passage de junior à senior qui a été difficile. Non pas que le marche soit trop grande, mais les résultats obtenus en junior me laissaient présager de belles choses rapidement en sénior. Il m’a fallu en fait de longues années pour arriver à un niveau correct, mais ce n’est pas fini. »

Tout avait débuté à quel âge pour toi ?  Est-ce les exploits de Fabrice Guy et Sylvain Guillaume qui t’on donné envie de faire du combiné nordique ?

« J’ai appris le ski dès que j’ai su marcher, et le saut très tôt aussi en suivant mon frère vers 4 ans… A cet âge là, Fabrice et Sylvain n’avaient pas encore fait leurs médailles, mais le fait de les voir faire des résultats comme ça m’a servi et motivé rapidement. Puis il y a eu le fait que j’ai fait ma première coupe du monde avec Sylvain en 2001 à Liberec, qui reste un de mes meilleurs souvenirs. »

Ton sport est particulier car il demande d’être performant dans deux disciplines. Quelles sont les principales qualités nécessaires à la réussite ?

« Le saut demande une bonne maitrise technique, de l’explosivité, de la finesse une préparation mentale exceptionnelle. Le ski de fond requiert endurance, résistance, détermination et tactique. Il faut donc jongler entre tout ça pour être le meilleur possible. Nous sommes trop souvent comparés avec des fondeurs alors que ce sont deux sports bien différents car notre préparation n’est pas du tout la même. J’aimerais bien mettre les fondeurs qui nous charrient au sommet d’un tremplin de 140m pour voir... Je crois qu’on rigolerait bien…Eux moins… »

Quand tu t’entraines, le temps est il parfaitement partagé entre la partie saut et la partie ski ?

« C’est ici que c’est délicat car nous devons trouver le bon compromis. Plus tu fais d’heures d’aérobie pour améliorer ton foncier et aller vite en fond, plus tu perds en explosivité au tremplin. Réciproquement quand tu travails plus l’explosivité et la vitesse pour le saut, tu vas perdre en fond. Du coup on cherche à faire une préparation 50/50. Mais la discipline évolue, il y a quelques années le saut était prédominant et on remarque que depuis qu’il n’y a plus qu’un seul format, le fond est redevenu très important. Il fait donc gérer tout ça en variant l’entrainement. »

LacroixTu te définis plutôt comme un sauteur ? ou un skieur ?

« Clairement je suis plus un fondeur. Même si depuis 3-4 ans j’ai bien progressé au tremplin, je reste plus fort en fond qu’en saut. Au mieux j’ai été placé 6ème après un concours de saut alors que j’ai fait beaucoup de top 5 en temps de fond. »

A l’approche de cette 10e saison, tu as changé ta façon de te préparer ?

« Cette année n’a pas été bien différente des dernières. Nous avons changé d’entraineur de saut (Jérome Laheurte) mais l’idée générale n’est pas révolutionnaire. Nous avons gardé nos axes de travail qui fonctionnaient, seul le discours est un peu différent. Coté fond, j’ai fait plus d’heures, et j’ai fait beaucoup plus attention à la technique car je crois que j’ai beaucoup à gagner là-dessus. »

En 2010 tu as terminé au 28e rang mondial, c’était satisfaisant pour toi ?

« Non, 2010 n’était pas un hiver satisfaisant. J’ai eu une petite blessure dès les premières compètes (inflammation au pied) qui m’a obligée à 10 jours d’arrêt complet. Du coup je suis arrivé en forme après les JO et les objectifs étaient passés. C’est dommage car en saut j’étais plutôt placé et j’aurai pu faire de bons résultats. »

Les JO se sont terminés avec deux 19e places individuelles et surtout une 4e place en relais. Le podium n’était pas loin, as-tu des regrets sur cette course ?

« Bien sur que j’ai des regrets. L’objectif était la médaille et on rentre bredouille. 4ème aux JO tu es anonyme. Mais tout ceci est passé j’ai analysé tout ça à tête reposée et je suis maintenant tourné vers les mondiaux d’Oslo. »

La page 2010 est tournée, 2011 est tout proche, quels seront tes objectifs ?

« Comme je viens de le dire je veux une médaille aux mondiaux. En par-équipe nous avons notre chance surtout que nous avons 2 épreuves. Une sur le petit tremplin et une sur le gros. Ça c’est le gros objectif de l’hiver. Il y a aussi la coupe du monde de Chaux-Neuve ou j’aimerais être devant. Et puis, je fais aussi un objectif du classement général ou je vise la 15ème place. »

On a le sentiment que la France a tout pour devenir une très grande nation du combiné nordique.  Un leader au top niveau, des coéquipiers excellents et une relève très intéressante, sans oublier les structures qui se mettent en place. Es tu d’accord avec ça ?

« Oui, aujourd’hui, nous avons une bonne équipe. Il ne manque pas grand-chose pour en avoir une très bonne. Un peu de confiance avec des bons résultats et on le sera. Les jeunes derrière commencent à pousser et c’est une bonne chose car nous ne seront pas là en 2018 (moi en tout cas…) Ce qui m’inquiète un peu plus c’est la relève un peu plus lointaine car il n’y a pas beaucoup de jeunes. C’est dommage et un peu incompréhensible car Jason est un super moteur pour eux, et les centres d’entrainement sont maintenant bien structurés. C’est difficile de promouvoir notre discipline mais l’effet post-JO semble nous faire du bien car beaucoup d’enfants veulent s’essayer au saut. À nous maintenant que les faire les médailles pour qu’ils puissent rêver et accrocher ! »

Photos : copyright Nordic Focus