De retour des USA après de belles performances à Copper Mountain et Beaver Creek, Alexis Pinturault évoluera samedi une dernière fois devant son public, lors du géant de Val d'Isère.
La star du ski alpin français, 34 ans, 34 victoires en coupe du monde, un gros globes de cristal, et huit médailles aux championnats du monde est revenu sur les moments marquants de sa carrière.
Il s'est longuement confié pour le Red Bull Bulletin.
The Red Bulletin : Si vous deviez résumer votre carrière jusqu’à présent, quels seraient les titres les plus marquants ?
Alexis Pinturault : « Parmi les plus importants, il y a le Gros Globe de cristal overall et l’année 2021. Mes titres de champion du monde, et mes trois plus belles médailles, même s’il n’y a pas d’or ! »
The Red Bulletin : Vous avez pratiqué toutes les disciplines alpines ; comment vous préparez-vous à gérer des efforts aussi opposés ?
Pinturault : « On prépare les éléments de base, c’est-à-dire la force et la puissance – surtout la puissance, qui se travaille beaucoup en musculation.
L’autre élément de base, c’est le travail d’endurance qui permet de tenir tout l’hiver, notamment la complexité et la fatigue qui vont avec.
Avoir un bon système immunitaire capable de bien récupérer et de fonctionner correctement tout au long de la saison est donc important.
Plus spécifiquement, en tant que spécialiste du géant, on met davantage l’accent sur l’explosivité que sur la force pure, contrairement à un descendeur.
Mes meilleurs résultats sont dans les disciplines techniques, donc on a davantage misé sur ces qualités d’explosivité. »
The Red Bulletin : Selon vous, quelle est la discipline la plus exigeante ?
Pinturault : « Elles sont toutes exigeantes, mais chacune a ses particularités. En slalom et en géant, on travaille beaucoup la respiration.
Avec les virages courts, les muscles se fatiguent moins, mais on produit quand même de l’acide lactique, alors qu’en descente c’est plutôt la force pure, l’acide lactique se concentre surtout dans les jambes et la respiration est moins mise à contribution. C’est vraiment le tracé qui fait la différence. »
Slalom géant
The Red Bulletin : Comment passe-t-on d’une polyvalence totale à une focalisation sur une seule discipline ?
Pinturault : « Ça a été un peu imposé par la nature. Je me suis blessé deux années de suite, en 2024 et 2025. Même si la deuxième blessure était moins grave que la première , elle m’a éloigné du circuit pendant quatre mois.
C’est ce qui m’a poussé à me recentrer sur ma discipline de prédilection, pour profiter au maximum de ce temps relativement court, l’utiliser de la meilleure façon possible pour retrouver mon niveau de performance, avec comme objectif le grand rendez-vous de février. »
The Red Bulletin : Revenir de blessure, ça change quoi dans la préparation ?
Pinturault : « Lors d’une saison normale, on part en vacances au mois de mai pendant un mois. Quand on reprend la saison, on est à environ 80 % de notre potentiel maximum. Quand on revient de blessure, parfois on repart de zéro.
Après ma première blessure, j’étais à 60 % de mes capacités ; après la deuxième, je dirais un peu plus, mais toujours très loin des 100 %.
Il faut d’abord passer par un protocole de rééducation pour se reconstruire : recommencer à marcher, puis à courir, ce qui prend six à sept mois. Quand on retrouve le ski, on vient de très loin… »
The Red Bulletin : Concrètement, ça veut dire quoi ?
Pinturault : « Il faut recréer un athlète. Les bases sont fastidieuses, mais là où ça change vraiment, c’est quand la saison de compétition démarre, car au lieu de courir deux ou trois fois par semaine, je ne pourrai en faire qu’une par semaine, voire une tous les quinze jours.
Cela me laissera le temps de progresser et de rattraper le fameux train qui avance toujours, que je dois absolument reprendre, et de me reposer pour éviter les inflammations.
Les 20 % que je vais chercher sont moins physiques que techniques, d’engagement et de prise de risques. Quand on revient de blessure, on est encore plus centré sur soi que d’habitude. »

Qualités physiques et mentales
The Red Bulletin : Pouvez-vous citer vos plus grandes forces ?
Pinturault : « Mon explosivité, qui me permet de prendre des trajectoires plus directes et plus tranchantes grâce à un appui plus puissant en moins de temps, ma force mentale et ma ténacité.
Le mental est difficilement quantifiable ; quand la technique et le physique sont là, le mental suit, mais c’est un trio extrêmement important, presque indissociable. On pourrait attribuer un tiers à chacun. »
The Red Bulletin : Peut-on aussi parler des faiblesses, ce sur quoi vous travaillez particulièrement ?
Pinturault : « Je vais devoir travailler à prendre des trajectoires de plus en plus directes, ce qui va de pair avec la confiance, la technique et le physique. En ce moment, je mets tout en place pour rattraper le peloton et ensuite me replacer dans la voiture de tête ! »
The Red Bulletin : Revenons sur le mental. Comment le travaillez-vous ?
Pinturault : « J’ai eu plusieurs préparateurs mentaux, voire des psychologues – cela dépend des périodes et de ce sur quoi on doit travailler. Ça peut être de la sophrologie, des exercices de visualisation ou de concentration.
Ça peut être du travail post-blessure : quand on se blesse comme je l’ai fait à plus de 100 km/h, le choc est très violent et ça laisse des traces, comme un accident de voiture sans la carrosserie. Il faut aussi accepter de revivre cela en se réexposant à des vitesses très élevées. »

Motivation
The Red Bulletin : Vous avez tout connu en termes de palmarès et de carrière. Comment rebondissez-vous ? Quel est votre carburant ?
Pinturault : « Le premier, c’est le plaisir que je prends à skier ; le deuxième, c’est la recherche de performance. Il faut être en accord avec ses choix. Même si je m’amuse parfois à l’entraînement, le plaisir est plus grand en compétition, avec cette adrénaline décuplée.
Quand on arrive à combiner performance, stress et cet état de flow (la performance ultime), c’est là qu’on ressent le plus de sensations et de plaisir. »
The Red Bulletin : Ce plaisir, il se manifeste exactement quand ? Sur le podium, à l’arrivée ?
Pinturault : « Le podium est un moment de réflexion, un temps de partage avec les proches, de savourer, de se remémorer le chemin parcouru. Mais le moment le plus fort pour moi, c’est quand je franchis la ligne d’arrivée et que je vois le résultat : c’est le pic d’adrénaline.
Dans quel état d’esprit êtes-vous à l’approche du grand rendez-vous ? Impatient que la saison démarre, de me mesurer aux autres concurrents. Conscient du travail qu’il me reste à faire. »

En dehors du ski
The Red Bulletin : Comment occupez-vous votre temps libre ?
Pinturault : « Avec la famille, les entraînements, les compétitions et les grands rendez-vous qui arrivent, il y a de moins en moins de temps, mais je pratique encore pas mal de sport : tennis, padel, wakeboard et golf. Dans la région, on a la chance d’avoir de formidables terrains de jeu ! »
La routine fitness d’Alexis Pinturault
Pinturault : « Ce que je fais le plus, ce sont les étirements, les exercices de mobilité et le Pilates. C’est tous les jours. La musculation, c’est plus ponctuel, deux à trois fois par semaine et moins en hiver.
Tout le travail d’endurance se fait l’été avec 17 semaines de préparation physique : musculation, vélo, course à pied, travail du haut du corps, proprioception et jeu de jambes.
À l’approche des grands rendez-vous, il y a une phase de repos pour recharger les batteries, avec des séances plus courtes mais à haute intensité pour « faire le plein d’énergie ». »