C'est pas la joie dans le dossier JO d'hiver 2030

À peine six mois après l'attribution des Jeux olympiques d'hiver aux Alpes françaises, le rêve d'un événement fédérateur dans les massifs savoyards et haut-savoyards tourne en partie au vinaigre.

Démission surprise à la tête du comité d'organisation, retrait rageur d'une commune emblématique, suspension des discussions par un département clé : les tensions internes et les soupçons de favoritisme minent un dossier déjà fragilisé par des oppositions environnementales et budgétaires.

Alors que le Comité international olympique (CIO) vient à peine de boucler une visite d'inspection, le Cojop Alpes 2030 (Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques) doit recoller les morceaux d'un puzzle.

Méribel claque la porte

Le premier coup de théâtre est venu cet été de Méribel, station mythique des JO d'Albertville 1992 et co-hôtesse triomphante des Mondiaux de ski alpin 2023.

Son maire, Thierry Monin, a claqué la porte du projet, accusant frontalement la direction du Cojop d'avoir "bafoué la charte olympique" et renié les engagements initiaux de la candidature

Monin dénonce un revirement de dernière heure : initialement prévue pour accueillir les épreuves de ski alpin féminin, Méribel se voit reléguée aux compétitions paralympiques, une "discrimination" selon lui, avec en prime "d'importants surcoûts financiers de plusieurs millions d'euros" et "une empreinte environnementale considérablement accrue".

"Les engagements pris initialement lors de la candidature, reniés", assène-t-il, pointant du doigt le lobbying intense de Val d'Isère, soutenu par l'icône du ski Jean-Claude Killy et des poids lourds politiques, qui veut récupérer les épreuves masculines au détriment de Méribel et Courchevel.

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La directrice des opérations démissionne

.À peine le temps de digérer cette fronde locale que le comité essuie une autre bourrasque : la démission, annoncée ce lundi 9 décembre, d'Anne Murac, sa directrice des opérations.

Recrutée cet été après un passage remarqué chez Paris-2024, cette experte en logistique quitte le navire après seulement quatre mois, officiellement pour "raisons personnelles".

Mais derrière cette formule passe-partout, Le Dauphiné Libéré et Le Parisien évoquent des "relations compliquées avec les acteurs de la neige et de la montagne", exacerbées par la gestion chaotique du retour de Val d'Isère sur la pré-carte des sites en juillet.

Ce bras de fer logistique a semé le chaos dans les échanges avec les territoires, au moment où le Cojop peinait à se structurer pleinement. Le comité, qui salue les "bases solides" posées par Murac pour la planification et la coordination des sites, annonce un recrutement rapide pour la remplacer.

"À la tête des équipes opérationnelles, Anne Murac a activement contribué à la mise en place des premiers jalons clés", tempère le communiqué officiel, mais ce départ arrive comme un aveu d'échec dans un timing infernal, une semaine après les remous politiques.

La Savoie dit stop

Et ces remous, ils viennent justement du cœur économique du projet : la Savoie. Le 1er décembre, Hervé Gaymard, président (LR) du conseil départemental, adressait une lettre cinglante à Edgar Grospiron, suspendant "jusqu'à nouvel ordre" la participation de sa collectivité à toutes les réunions de préparation.

Raison invoquée ? Un sentiment d'être traité en "variable d'ajustement budgétaire" pour un événement dont la Savoie n'est "pas à l'initiative, mais le compagnon de route".

Gaymard, qui rappelle l'héritage d'Albertville et les 11 millions d'euros déjà investis par son département dans la modernisation du tremplin de Courchevel et de la piste de bobsleigh de La Plagne, des atouts décisifs pour l'attribution des JO, fustige l'absence de consultation sur la carte des sites et la maquette financière.

"Il est étrange de demander aux départements de prendre des engagements, sans aucune visibilité, sur les engagements des autres collectivités", écrit-il.

Pire : "Nous ne pouvons être considérés comme une variable d'ajustement budgétaire pour le financement d'un projet".

Résultat, portes closes aux discussions sur les ouvrages olympiques, même si les engagements budgétaires antérieurs (comme 40 millions pour le réseau routier ou 5 millions pour un ascenseur vers Courchevel) restent intacts.

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Polémique sur le coût des patinoires

Christian Estrosi, maire de Nice, dégaine un projet à 200 millions d’euros : deux grandes patinoires olympiques de 10 000 places pour accueillir hockey et patinage artistique des JO 2030.

La Métropole paierait la moitié, espérant 40 % de l’État et le reste via des investisseurs qataris., l’annonce passe mal.

« Un détournement du projet initial, entièrement basé sur l’existant », tonne le maire de Courchevel.

Écologistes et opposants dénoncent un « éléphant blanc » énergivore et un gaspillage alors que les sites de montagne manquent cruellement de fonds.

Le Cojop reste évasif, le CIO n’a pas tranché. En pleine tempête budgétaire et territoriale, Nice joue gros : rêve azuréen ou futur fiasco ? Réponse dans les prochains mois.

Une plainte à l'ONU

Ces crises locales s'inscrivent dans un contexte plus large de fragilité. La visite d'une délégation du CIO, achevée le 3 décembre en Savoie et Haute-Savoie (La Plagne, La Clusaz, Val d'Isère), a certes suscité des félicitations de la commission de coordination pour l'état des sites.

Mais elle coïncide avec des recours judiciaires en pagaille : le collectif citoyen "JOP 2030" et d'autres associations traînent le processus devant des tribunaux administratifs français et un organisme onusien à Genève, pour absence flagrante de consultation publique avant et après l'attribution.

De son côté, le maire de Courchevel, Jean-Yves Pachod, montait déjà au créneau fin novembre pour houspiller la Savoie de ne pas financer assez les équipements, qualifiant cela d'"extrêmement choquant" et réclamant une aide État-Région gonflée à 70-80 % pour les tremplins.

Que dire à propos de tout ce cirque ? Les JO 2030, vendus comme un modèle d'économie circulaire sur des infrastructures existantes, peinent visiblement à unir toutes les forces vives des Alpes et c'est bien triste.

Ce n'est pas en prêchant uniquement pour leur paroisse que les décideurs et les élus réussiront à faire l'unanimité. Le pragmatisme, le bon sens, et l'intérêt commun demeurent le seul impératif pour réussir.

Le savais-tu ?
Les Jeux d’hiver d’Albertville 1992 avaient déjà provoqué de vifs débats politiques et financiers. Mais ils restent encore aujourd’hui un modèle d’héritage sportif et territorial, notamment grâce aux retombées durables dans les stations de Tarentaise.