Curaçao dans l'histoire
Mardi soir à Kingston, sous une pluie fine et un ciel d’orage jamaïcain, 156 000 âmes ont retenu leur souffle à 3 000 kilomètres de là.
Puis, quand l’arbitre a sifflé la fin du 0-0 face à la Jamaïque, tout ce peuple a explosé.
Curaçao décroche son billet pour la Coupe du monde 2026 et devient la plus petite nation jamais qualifiée. Plus petite que l’Islande de 2018, plus petite que Trinité-et-Tobago en 2006.
Une île de 444 km², perdue dans les Caraïbes, qui va bientôt fouler les pelouses géantes des États-Unis, du Canada et du Mexique.
On a vu des joueurs tomber à genoux, des remplaçants courir les bras en croix, le gardien Eloy Room lever les yeux au ciel comme s’il n’y croyait pas lui-même.
Et puis cette image : Roshon van Eijma, le roc de la défense, une main sur le cœur, l’autre brandissant le drapeau bleu-jaune-rouge-blanc, hurlant vers les quelques centaines de supporters curaçaoens qui avaient fait le déplacement.
« On l’a fait pour eux, pour toute l’île », lâchera-t-il plus tard, la voix encore tremblante.
BON BINI, WORLD CUP!! pic.twitter.com/wQ040qbWYQ
— Curaçao National Football Team (@TheBlueWaveFFK) November 19, 2025
Le travail de Dick Advocaat
Ce n’était pas censé arriver. Pas comme ça. Pas avec une équipe sans star planétaire, sans stade de 50 000 places, sans budget faramineux.
Juste douze points pris en six matchs de qualification, une défense intraitable, un 7-0 infligé aux Bermudes pour la route et, surtout, une foi inébranlable.
Dick Advocaat, 78 ans, le vieux renard néerlandais qui n’était même pas sur le banc ce soir-là (retenu aux Pays-Bas pour raisons familiales), avait pourtant prévenu :
« Cette équipe a quelque chose de spécial. » Il avait raison.
Le match contre la Jamaïque fut un condensé de tension. Trois poteaux côté Reggae Boyz, un penalty annulé par le VAR à la 89e minute, des cœurs qui s’arrêtent, des larmes qui montent.
Et puis ce 0-0 salvateur, ce point en or qui envoyait Curaçao au paradis et la Jamaïque en barrages.
Nuit de folie à Willemstad
À Willemstad, la capitale, les klaxons ont retenti jusqu’au petit matin. Les écoles ont fermé le lendemain.
Les drapeaux flottaient aux balcons. On dansait dans les rues de Otrobanda, on pleurait de joie à Barber. Une île entière en état de grâce.
C’est la preuve vivante que le football, parfois, écrit encore des histoires plus belles que n’importe quel scénario hollywoodien.
Curaçao, territoire autonome du Royaume des Pays-Bas, héritier des anciennes Antilles néerlandaises, n’avait jamais rêvé si grand.
Le 5 décembre, lors du tirage au sort à Washington, on saura si "La Vague Bleue", surnom de cette équipe, croisera l’Argentine, le Brésil ou la France.
