La relation biathlète-carabine est quelque chose d’unique, l’harmonie si difficile à trouver entre le skieur et son engin doit ensuite être conservé le plus précieusement possible. Pour tous ces champions, la carabine représente beaucoup plus qu’un objet de travail.
Pour remporter l’or olympique à Vancouver, ils devront une fois de plus bichonner ce partenaire particulier que Magdalena Neuner lconsidère "comme un enfant": "je fais très attention à elle, je ne la quitte presque jamais des yeux", assure la sextuple championne du monde allemande, pourtant souvent tourmentée par sa carabine au tir debout.
De son côté Ole Einar Bjoerndalen voit sa "cara" comme "une femme" à qui il fait même une place dans son lit la veille des compétitions: "Ma femme n'est heureusement pas jalouse", plaisante l'ogre norvégien, marié à une ancienne biathlète, l'Italienne Natalie Santer. D’ailleurs le norvégien a récupéré la carabine de sa femme depuis que celle-ci a pris sa retraite et cela lui réussi plutôt bien.
Neuner et Bjoerndalen ne sont pas des exceptions dans le biathlon mondial. "La carabine, c'est le prolongement des biathlètes vers la cible, il faut que cela devienne une frangine ou un frangin dans le dos, ce n'est pas étonnant qu'il y ait des mots doux échangés", analyse Franck Badiou, l'"armurier" de l'équipe de France de biathlon et vice-champion olympique de tir en 1992.
Au commencement, la "cara" n'est qu'une banale 22 long rifle coûtant 2700 euros et pesant 3,5 kilos, avec une crosse en érable ou noyer, un canon et un boîtier de culasse produits quasi-exclusivement par un seul fabricant, l'Allemand Anschutz. Une société allemande qui est venu en aide à Sandrine Bailly lorsqu’elle cassait sa cara à Ruhpolding au début du mois de janvier.
"Cette complicité avec son outil, cela se créée saison après saison. L'appropriation par un athlète de son arme peut prendre une à deux saisons", rappelle Franck Badiou. Voilà encore une des raisons qui pousse le biathlète à toujours avoir soin de sa carabine.
Depuis 1997, les "tireurs de précision", dont Jean-Pierre Amat, champion olympique en 1996, et Badiou, apportent leur science aux biathlètes français qui sont, étonnamment, encore les seuls au monde à disposer d'une telle expertise.
Avant d'arriver à une relation presque charnelle, la réussite au tir repose sur un long et fastidieux processus réalisé en amont par Badiou qui teste dans une chambre de tir réfrigérée les munitions pour identifier les mieux adaptées à chaque carabine.
A moins 15°C, la distance entre deux balles de même marque tirées par le même canon, posé sur un axe fixe, peut atteindre 300 mm (30 cm!), autant dire une catastrophe pour les biathlètes qui doivent attendre des palettes de 45 mm (couché) et de 115 mm (debout), situées à 50 m.
Mais une bonne carabine et bien sur une bonne technique ne font pas tout, cela représente selon les spécialistes 60% du tir.
"Les 40% restant, c'est mental. Dans un compét' comme les JO, la moindre pensée parasite passe dans un turbo par rapport à ton état normal et peut saccager l'ensemble de la technique", prévient Franck Badiou.
"Avec 10 km dans les pattes, un concurrent direct parfois juste à côté et des pulsations à 180, certains biathlètes se disent encore que c'est de la roulette russe. Mais le tir, ce n'est pas de la magie ou de la sorcellerie, tout s'explique", rassure Badiou.
Si l’on part du principe que la majorité des grands champions possèdent tous une carabine efficace et précise, on se rend compte de l’importance du mental dans ce sport. C’est probablement sur ce derniers points que la différence se fait entre les « grands » et les autres.
Ceci sans parler des temps de ski, mais c’est une autre histoire …
(avec AFP)
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