Jordan Jegat, la révélation discrète

À 26 ans, Jordan Jegat s’est imposé comme l’une des surprises du Tour de France 2025, terminant 10e au classement général, une performance inattendue pour ce coureur breton de l’équipe TotalEnergies.

Mais qui est ce grimpeur tenace, passé de l’usine aux routes de la Grande Boucle en seulement quelques années ?

Un parcours atypique

Né le 7 juin 1999 à Vannes, dans le Morbihan, Jordan Jegat n’a pas suivi une trajectoire classique, loin de là.

En 2020, alors que la pandémie de Covid met le sport à l’arrêt, il travaille en intérim dans des usines comme D’Aucy (conserves), Le Ster (pâtisseries) ou encore à la poissonnerie d’un supermarché.

Alors âgé de 20 ans, il hésite à abandonner son rêve de devenir cycliste professionnel, mais décide de se donner un an pour percer. « Ça passe ou ça casse », confie-t-il à ses parents, qui le poussent à privilégier un emploi stable.

Formé au club amateur d’OC Locminé, puis passé par Team U Nantes Atlantique , Jegat signe chez TotalEnergies en 2024, après des années à financer lui-même ses stages en montagne et un suivi nutritionnel pour optimiser ses performances.

Titulaire d’un BTS en Management des unités commerciales, il incarne le double projet sport-études, un modèle défendu par son manager Jean-René Bernaudeau :

« Jordan montre qu’on peut arriver sur le Tour à 25 ans, dans sa plénitude, sans être une pépite dès le junior ».

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Une ascension fulgurante

Lors de son premier Tour de France en 2024, Jegat termine 28e, déjà remarqué pour ses qualités de grimpeur et son rôle d’équipier pour Steff Cras. En 2025, il change de dimension.

Dès la deuxième semaine, il se distingue par son audace, intégrant des échappées et grappillant des places au général. Élu coureur le plus combatif de la deuxième semaine par le public sur X, il atteint la 11e place avant la dernière semaine.

Sa performance lors de la 18e étape, bien que coûteuse, marque les esprits. Dans le col de la Loze, il tente une échappée mais finit « vidé » (20e à 11’20’’ du vainqueur Ben O’Connor), décrivant cette journée comme « un enfer » :

« Je me suis peut-être surestimé », admet-il, frigorifié, à Eurosport. Pourtant, l’abandon de Carlos Rodriguez (fracture du bassin) lui permet d’entrer dans le top 10 avant cette étape reine.

Le Breton se met encore en évidence lors de la 20e étape, à Pontarlier, où Jegat s’infiltre dans l’échappée malgré les réticences de certains coureurs, comme Simone Velasco, qui l’insulte pour sa présence jugée gênante en raison de son classement (11e au départ).

« Je ne parle pas italien, mais j’ai compris ses mots. C’est dommage, c’est le jeu », réagit Jegat, salué pour son calme. Avec une avance de plus de 4’08’’ sur le peloton, il va subtiliser la 10e place au général à Ben O’Connor.

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Un coureur combatif et prometteur

Jegat, c’est l’histoire d’un coureur qui « va toujours de l’avant », selon son directeur sportif Lylian Lebreton.

Sa 7e place à Pontarlier et ses performances régulières (11e à Mûr-de-Bretagne, 13e à Superbagnères, 8e à Carcassonne) témoignent de sa capacité à rivaliser avec les meilleurs en montagne.

« Ce top 10 va lui servir de déclic psychologique », estime Steve Chainel sur Eurosport, soulignant sa régularité et son sens tactique.

Pourtant, Jegat reste modeste : « Il y a eu beaucoup de chutes, de maladies, je n’aurais pas été 10e sans ces aléas », confie-t-il.

Sa popularité grandit, avec des pancartes « Allez Jegat » sur les routes et un surnom éphémère, « Groupe Jegat », affiché par la réalisation du Tour lorsqu’il roule avec des cadors comme Van der Poel.

« Ça me fait tout drôle quand on m’encourage », avoue-t-il, encore surpris par sa notoriété naissante.

L’avenir du cyclisme français ?

Avec Kévin Vauquelin (7e), et Jordan Jegat, la France place deux coureurs dans le top 10, une première depuis 2023.

À l’avenir, Jegat vise à confirmer ce top 10, avec des objectifs plus précis sur les Grands Tours. « Se révéler, c’est une chose, confirmer, c’est plus dur », prévient Lebreton. Pour l’instant, Jegat savoure : « Ce top 10, c’est une fierté pour l’équipe et ceux qui me soutiennent ».

Discret mais obstiné, il incarne l’espoir d’un cyclisme français qui parvient tant bien que mal à se renouveler.

Le saviez-vous ?

Jordan Jegat est le premier coureur issu de la DN1 à intégrer le top 10 du Tour de France sans avoir couru chez les espoirs WorldTour.