Des choix qui interrogent
En l'espace d'une seule année, trois champions du monde junior de ski de fond ont décidé de passer à autre chose.
C'est tout simplement du jamais vu en Norvège, pays où traditionnellement les jeunes pousses rêvent de devenir héros nationaux ski aux pieds.
Joergen Nordhagen, 20 ans, médaillé d’or aux mondiaux juniors en 2024 est devenu cycliste. Malin Hoelsveen (photo ci-dessus), 20 ans, championne du monde junior Schilpario l’hiver dernier, est passée à l’athlétisme cet été.
Hanna Sörbye (photo plus bas-, 20 ans, médaillée d’or et d’argent, a carrément pris sa retraite complète.
Une pression écrasante sur les jeunes
« Ça devient trop sérieux, trop tôt », soupire Marit Bjørgen, entraîneure de l’équipe nationale féminine norvégienne.
La légende pointe également la nouvelle concurrence avec ces jeunes Norvégiens qui brillent désormais en athlétisme, football, cyclisme, golf, ou même tennis, attirant les talents comme des aimants, avec des objectifs de salaire nettement plus importants.
Mais le vrai problème, selon Marit Bjørgen et Pål Gunnar Mikkelsplass, deux figures emblématiques du ski norvégien, vient de l’intérieur.
« Si tu t’entraînes à 14 ou 15 ans comme un athlète élite adulte, tu risques de perdre toute ta motivation et ta joie de skier », explique Bjørgen.
Avec ses 18 médailles d’or aux championnats du monde et 8 aux JO, elle sait de quoi elle parle, tout comme Mikkelsplass, un autre ancien champion. Ensemble, ils regardent avec inquiétude l’évolution du sport chez les juniors.
« Dans certains coins de Norvège, la pression est énorme, que ce soit des entraîneurs, des parents ou de l’environnement », raconte Mikkelsplass.
« On pousse les jeunes à être les meilleurs en juniors, à gagner les mondiaux junior à tout prix. Et après ? Une fois l’or en poche, beaucoup raccrochent et deviennent médecins, avocats, ou autre chose. »
Mikkelsplass, qui a vu passer plusieurs générations de fondeurs, connaît la musique. Il sait parfaitement que 90% des champions du monde junior, dans tous les sports, n’ont jamais réussi à s’installer ensuite parmi les ténors.
Trop, trop tôt
Pourquoi ces jeunes cracks jettent-ils l’éponge si vite ? Pour Mikkelsplass, c’est clair : « Dans certains districts, on a créé une compétition malsaine entre écoles de ski.
Les gamins s’entraînent comme des pros, parfois 900 à 1 000 heures par an dès l’adolescence. »
Bjørgen acquiesce : « C’est une spécialisation trop précoce. On se donne à fond trop jeune, et ça épuise. »
Attention, ni Bjørgen ni Mikkelsplass ne prétendent que c’est la seule raison pour Nordhagen, Hoelsveen ou Sörbye.
« Il peut y avoir des choix personnels derrière leurs décisions », précisent-ils. Mais ils s’accordent sur un point : cette course à la performance dès l’adolescence fait des ravages.
« On a une vision trop court termiste », regrette Mikkelsplass.
Quelles solutions ?
Alors, comment éviter que la Norvège ne brûle ses propres pépites ? Pour Bjørgen, il faut totalement repenser l’approche :
« On doit mieux informer les jeunes, leurs coaches et les lycées sports-études sur ce qui est raisonnable à cet âge. Il faut parler de l’intensité de l’entraînement, trouver un équilibre. »
Mikkelsplass abonde : « C’est un défi, mais on doit protéger nos talents pour qu’ils restent dans le sport plus longtemps, il faut trouver un moyen de prendre soin d’eux »
La Norvège est désormais touchée par une concurrence féroce entre tous les sports, la nouvelle génération ne regarde plus le ski de fond comme avant, et les idoles se nomment désormais Haaland, Ingebrigtsen, Ruud, Warholm et Hovland.
Certes Klaebo maintient la discipline sur le devant de la scène mais pour combien de temps ?
Le changement de générations, la concurrence, restent des paramètres compliqués à anticiper, mais le changement culturel qui touche la Norvège, comme tous les pays Européens, rendra l’avenir encore plus difficile pour les disciplines hivernales.