La Coupe du monde masculine revient dans le sacro-saint patrimoine du ski alpin avec les classiques de Wengen de vendredi à dimanche, dont la plus longue descente du circuit samedi, qui manque toujours au palmarès du vieux renard suisse Didier Cuche.

Wengen, où les premières courses de ski alpin remontent à 1930, est l'un de ces endroits mythiques qui font vibrer Bode Miller. La star américaine nourrit une secrète histoire d'amour avec cette station qui l'a vu monter huit fois sur le podium, et surtout remporter deux fois la descente, au nez et à la barbe de Cuche.

A 37 ans, le Suisse aux quatre globes de cristal en descente sait qu'il n'a plus beaucoup d'occasions d'ajouter à son palmarès la classique dont tout skieur helvétique rêve, mais personne ne s'aventure à lui poser directement la question, de peur de le voir se braquer comme il l'a déjà fait par le passé.

Et à un journaliste suisse qui se risque à mentionner son apparente décontraction, le vice-champion du monde rétorque non sans malice: "c'est parce que personne ne m'a encore demandé ce que ça me ferait de gagner ici, ou ce que ça ferait de ne pas gagner ici dans ma carrière!".

Avec son petit train à crémaillère qui emmène les skieurs au sommet, sa mythique "Tête de chien" - un passage entre deux rochers -, et l'étroit tunnel sous la voie ferrée, Wengen ne ressemble à aucune autre.
 
"C'est une piste spéciale de par sa longueur, mais techniquement bien moins difficile que celle de Bormio par exemple. N'importe quel touriste pourrait la descendre, mais peut-être pas sans s'arrêter...", avance l'ancien entraîneur de Cuche, Patrice Morisod, qui dirige le groupe vitesse français.
 
Pour s'imposer à Wengen, il faut avoir du souffle. Avec ses 4,480 km de long, les meilleurs mettent entre 2 min 30 et 2 min 40 pour en venir à bout, soit une demi-seconde de plus que la précédente descente au calendrier, celle de Bormio.
 
"A Bormio, nous sommes tout le temps en action, et on est fatigué déjà après 45 secondes de course. A Wengen, il y a des passages très lents qui nous laissent le temps de réfléchir. C'est ainsi que les mauvaises pensées surviennent après le tunnel: on commence à se dire qu'on a mal aux jambes.. et il reste une minute de course", raconte le Français Johan Clarey. "Comme un des mes entraîneurs m'a dit un jour, quand tu arrives dans le +carroussel+ final, tu as le QI d'un babouin !"

Erik Guay, le Canadien champion du monde, s'en remet aux signes du destin pour tenter de briller cette fois à Wengen: "Quand je suis entré dans le tunnel, le train passait au-dessus de moi. Je crois que cela porte chance, et j'espère que cela me portera chance samedi !"

Adrien Théaux et Johan Clarey ont les atouts pour mettre fin à 14 ans d'attente pour un podium français en descente à l'ombre de l'Eiger, et s'immiscer entre les cadors de l'exercice, l'Américain Bode Miller, le Suisse Didier Cuche ou l'Autrichien Klaus Kröll.

"Mes ambitions, c'est d'être sur le podium à chaque course maintenant. Je n'étais pas loin à chaque fois, il y a même eu une fois où j'étais bien dessus... Mais bref !", souligne Johan Clarey, dans une petite allusion à la descente de Val Gardena mi-décembre. Le doublé français, avec Clarey devant
Théaux, qui était en vue, restera à jamais virtuel, puisque la course fut annulée en raison des bourrasques de vent.

Alors que Clarey a cet art inné de générer de la vitesse sur les pentes douces et Théaux est réputé comme fin technicien, tous deux "ont gagné l'un de l'autre", comme le confirme leur entraîneur, Patrice Morisot: "Adrien est capable aujourd'hui de bien glisser même s'il met encore un peu trop d'angle dans les longues courbes, et Johan a beaucoup progressé en technique, on l'a vu à Beaver Creek (4e) et à Bormio (7e), tout en restant un grand glisseur".

Toute la Suisse et le dizaines de milliers de fans qui viendront se masser tout au long de la descente espèrent un succès d'un Didier Cuche qui fera évidemment partie des favoris. Le plus grand danger pour le Neuchatelois pourrait venir de son coéquipier Beat Feuz, en pleine confiance. Didier Defago vainqueur à Bormio, son dauphin Patrick Kueng et Carlo Janka, auteur d'un bon chrono à l'entrainement pourraient brouiller les cartes.

Les Autrichiens compteront sur le vainqeur de l'an dernier Klaus Kroell et sur Hannes Reichelt dominateur lors du second entrainement pour dominer les Helvètes.  L'Italie misera de son côté sur Innerhofer et Fill, deux sacrés clients pour cette descente qui promet beaucoup.

Photo : Agence Zoom